12 mars 2016
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J'avais dit que je parlerai de mon expérience du tunnel mais aussi des réticences que j'avais à en parler car cela crée toujours un grand blanc après.
Un énorme blanc qui oscille entre incrédulité, perplexité, suspiction mal dissimulée et fascination morbide ou témoignages plus ou moins sombres, à la limite du spiritisme et du tournante de table
Des rares cas osent parler qui disent toutes avoir vécu ce même détachement.
Au début, cela me gênait beaucoup, me faisait me taire longtemps encore, mais maintenant je m'y suis habituée.
Je dis ma propre expérience et je laisse les gens prendre ce qu'ils veulent ou ont besoin de prendre.
Il se peut aussi qu'ils ne prendront rien.
Mais pour les autres, ceux qui ont peur de parler, je veux qu'ils osent.
A ceux qui veulent douter, j'entrouve une porte.
Je ne retiens que les fois où cela a fait du bien, c'est toujours une minorité, silencieuse, mais qui grossit au fil du temps.
Je ne veux convaincre personne, car tout le monde finira pas aller voir un jour et se fera sa propre opinion
Et si cela se produit, svp, je refuse qu'on vienne alors me dire que j'avais tord ou raison, j'aime pô les fantômes
Mais je veux juste dire qu'il ne faut pas confondre une situation anormale, exceptionnelle, avec la personne qui la vit.
Si la situation semble folle, je ne le suis pas.
Si la question fait peur, c'est la réponse qu'il faut craindre mais pas craindre celui qui la pose.
Je suis faite de cette expérience car elle m'a forgée, mais je ne me résume pas à cela.
Je tenais à en parler parce que le contexte s'y prêtait et que toujours me taraude la question de pourquoi moi ?
Pas pourquoi cela m'est arrivé, non non, mais de pourquoi cela ne m'est pas arrivé.
Pourquoi je ne suis pas morte ?
Parce que un temps, j'en ai croisé des experts qui après le bonjour, me disait dans la foulée "ah, une CIVD ? J'en ai expertisé 7 l'année dernière, toutes sont mortes" et moi, de finir de finir de dire "bonjour Mr, enchantée" et de m'assoir.
Le réanimateur a été adorable qui m'a dit que c'était courant de perfuser autant.
Oui, mais quand au réveil on apprend que toute l'école du fils de la dame qui vous sert le plateau a reçu un appel au don du sang, vous avez du mal à ne pas vous dire que vous avez piqué le sang pour de tas d'autres personnes.
Tout le monde vous rappelle que vous êtes une miraculée, des tas de gens que vous ne connaissez pas se réjouissent de vous voir, ont priés pour vous, ont pensé à vous, vous embrassent.
Et vous, vous plongez dans l'injonction du bonheur, dans la culpabilité du survivant, dans la dette de cet amour qui s'impose.
J'ai eu un début de réponse avec le responsable du centre de transfusions : pourquoi j'avais reçu tant de sang, alors que les autres n'en avaient qu'une dizaine ?
Tout simplement parce qu'elles mourraient avant de recevoir comme moi.
Moi, j'avais tenu assez pour recevoir tout cela.
Et c'est vrai que le rapport de l'inVS dit que la majorité des décès sur les hémorragies de la délivrance pouvaient être évitées avec un diagnostic précoce et un traitement adapté.
J'ai donc juste été bien prise en charge.
Mais je ne peux m'empêcher de penser que si c'était arrivé à 2000km de là, il y a 10 ans de cela, si je n'étais pas dans un pays qui a une sécurité sociale qui se fout d'injecter dans mes veines des ampoules de Novoseven à 4000€ l'ampoule, ben je ne serais pas là.
Et qu'il doit y avoir une raison, qui ne se résume pas à ce que je suis, mais à ce que je ne suis pas ?
Que n'ai je pas encore accompli ? Ai je une mission particulière sur cette terre ?
Ai je quelque chose à faire, à vivre, à bâtir qui vaille tout cet investissement d'amour sur moi ?
Mes enfants seront t ils des êtres si exceptionnels qu'il fallait que je reste pour les élever ?
Que d'orgueil et de responsabilité dans ces questions.
Mais je ne peux me résoudre à penser que tout cela n'ait été que pour moi seule.
Cela fait 9 ans que régulièrement j'y pense, et que j'oublie.
Comment rendre tout cet amour qui m'a été donné.
Je ne le rendrais pas à ceux qui m'ont aidée, je devrais le donner à d'autres.
Mais le fais je assez ? Puis je faire plus ?
Je n'aurais jamais de toute ma vie pour payer le prix de ma vie.
Mais j'essaye, à travers ma joie, mes délires, mes réflexions, des petites mains tendues.
J'ai envie de raconter mon histoire pour aider, et pourquoi pas lancer un appel au don du sang, de plaquettes et de Plasma ?
J'ai envie de dire encore et toujours "vivez, car quoique que vous viviez, l'épreuve ou le quotidien, la Vie est belle" mais aussi vivez conscient de chaque minute car cela peut s'arrêter sans qu'on le veuille.
Mais vivez et mourez apaisé.
Je ne suis pas morbide même si le sujet l'est, je suis pleine de vie et je veux la dévorer.
Je clos ce sujet car pour moi, j'ai déjà avancé et je chante comme Piaf, non rien de rien, non je ne regrette rien, ni le bien qu'on m'a fait, ni le mal, tout cela m'est bien égal.
Balayé mes amours, balayés pour toujours, je repars à zéro.
Et à vrai dire pas tout à fait à zéro car avec mes efforts, en 4 jours, j'ai repris mes 2 kilos perdus !!
Et j'ai hâte de découvrir vos envois.
Je ne sais pas si j'en aurais juste 1 ou 100, peu importe parce que chaque colis ou lettre va compter pour lui même, comme un témoignage du lien que j'aurai su créer par delà l'écran et l'espace.
Parce que ce colis va signifier un élan du coeur, un don gratuit d'une personne à une autre, qui ne me connaît pas mais qui se reconnaît en moi.
Pour moi, cela n'a pas de prix.
Et puis j'avoue que je suis joueuse et que cela me donne envie de savoir ce qu'on va m'offrir, entre le colis tout gourmand, la petite carte juste pleine d'amour ou les sachets du matin.
Je me demande jusqu'où ira votre imagination, si vous me prendrez au pied de la lettre, ou si vous allez rester sur votre idée, si l'une de vous va oser la conserve de sardines ou de thon, parce qu'il me fallait des protéines.
J'ai envie que ce moment d'épreuve se finisse dans la joie et le partage, je veux du rire, de la vie, du délire, de l'amour.
Mais fichtre, je ne pensais pas que Machamaya dégainerait si vite et si fort !!! (Mais Machamaya elle est super forte et on tricote ensemble, c'est ma copine)
Regardez