Depuis un an,1 an, je fais du tri dans ma maison
Je donne, je jette, je répare et je m'allège.
Mais arrive fatalement un moment où on en a fini avec les objets, les vêtements et autre jouets cassés
Un moment où on en arrive à devoir trier dans les souvenirs.
Où ce ne sont plus les papiers froids des administrations qu'on tient entre les mains, mais un bulletin de notes, un résultat de prise de sang, une lettre d'un proche, une photo d'une personne déjà morte.
Et là, fatalement, les souvenirs remontent.
Qu'ils soient chargés de souvenirs heureux et amènent de la nostalgie ou qu'ils soient le réveil pénible d'un évènement passé, on se rend compte que les années n'ont fait que rajouter des souvenirs les uns sur les autres, un peu comme ces strates de terre que la vie dépose sur le monde et que les historiens explorent.
Rien ne se mêle, rien n'est trié.
Tout est encore là, intact, dès qu'on s'y replonge.
Et à un moment, on réalise qu'on ne peut tout emporter avec soi dans la tombe et que c'est trop gros pour être transmis tel quel à la génération suivante et que peut être même que cela ne les intéresse pas.
Après tout, eux même ont leur propre stock de souvenirs personnels.
Et si chacun devait porter en plus ne serait ce que les souvenirs de ses seuls propres parents d'une vie entière, ce serait intenable.
Un tri s'impose.
Alors il faut oser trier, et comme pour les objets cassés, oser jeter ce qui est cassé, et ne garder que ce qui fait du bien, ce qui sert, ce qui donne de la joie, de l'émotion constructive.
En triant, on réalise que le temps passe
On se rend compte aussi de la richesse de nos vies, à travers tous ces vécus et qu'il nous appartient de bâtir les souvenirs de demain.
On trouve des souvenirs qui nous pousse au bilan
Dans mon tri, j'ai retrouvé dans un vieux dossier, les bilans de ma première grossesse, et dans une vieille enveloppe des "photos"
Ce sont les premières de mon Grand
Il y en avait une par mois et ces 4 là sont un raccourci de ces 9 mois.
Ces images à peine jaunies avaient 18 ans déjà.
18 ans à trainer dans une coin de ma maison sans que jamais je n'y touche
18 ans, d'encombrement et que dire du reste de ce que je pouvais garder ainsi ?
18 ans, déjà ...
et 18 ans plus tard, toujours cet émerveillement face à l'annonce de la vie future !
Il y a 18 ans, je m'en souviens encore comme si c'était hier
Je me souviens de mes sentiments à l'annonce de la positivité du test de grossesse, de l'émotion lors de la première échographie, des premières questions : serais je une bonne mère ?
Il y a 18 ans, et que tandis que mes yeux regardent ces photos mois par mois, je vois en superposition chacune des 18 années
Les premiers biberons, les premières risettes, les pleurs la nuit, la fatigue un peu, la joie beaucoup
Le 4 pattes, les premiers pas et les doigts malhabiles.
Je n'arrive pas à superposer cela avec ceux du grand gaillard actuel
Est ce là mon bébé ?
Est que celui qui vient de décrocher son Bac est bien le même petit gars qui noircissait si péniblement ses cahiers et récitait tant bien que mal ses tables de multiplication ?
Pourquoi je me souviens si bien du poupin si fragile et que les années qui ont suivi ont filé comme une flèche ?
J'étais ravie de lui voir souffler chaque année ses bougies d'anniversaire sans réaliser que chacune d'entre elle m'éloignait du bébé qu'il était resté dans mon souvenir.
Mon grand, mon premier
Celui avec qui j'ai tout appris du métier de maman et de mère
Celui avec qui j'ai tout fait la première fois et qui comme tout ainé, a essayé les plâtres de l'apprentissage de la parentalité.
Celui aussi qui s'est révélé si fragile et si costaud.
Je réalise que lorsqu'on devient parent, on signe sans le savoir un contrat avec la vie et avec notre enfant, contrat dont la fin arrive vers leurs 18 ans ou à la fin de leurs études.
Quand je repense à lui, j'ai aussi le coeur qui se serre, car il n'a pas eu une enfance facile, il a eu une enfance Ortho comme je dis
Orthophoniste
Orthopédiste
Orthoptiste
Orthographe
Il n'a rien eu de grave, juste une Dyslexie, juste ce que l'OMS définit comme un handicap depuis 1993. Et une dysproprioception qui est souvent associée à la dyslexie ( 100% des dysproprioceptifs sont dyslexiques ).
La dyslexie, c'est un handicap qui ne se voit pas et qui bien que très connu, environ 1 enfant sur 10, est souvent banalisé et mal pris en charge alors que des solutions existent.
Sauf que ces solutions, il faut les chercher un peu sans bien comprendre ce handicap. (Savez vous que si la dyslexie ne disparait pas, la dyspropriception peut disparaitre avec des corrections appropriées ?)
Ensuite il faut les faire appliquer parce que pour beaucoup, la dyslexie c'est encore juste une histoire de paresse et de travail supplémentaire.
Traite on de paresseux un unijambiste dans une course de personnes valides ? Pense-t-on qu'en le faisant courir encore et encore il améliorerait ses performances ? Pense-t-on qu'un myope sans lunettes aurait de meilleurs résultats en travaillant plus ?
Et pourtant, c'est ce qu'on impose aux enfants Dys.
Imagine-t-on qu'un sportif concourant en handisport est favorisé par rapport aux sportifs standart ou regarde-t-on l'exploit sportif au delà du handicap, voire même à travers ce handicap ?
Pourtant c'est ce que pensent certains enseignants qui rechignent à appliquer les mesures d'aide, c'est ce que disent les autres enfants et ce que finissent par penser le Dys lui même.
Mon grand est Dys et je suis fière qu'il ait fini sa scolarité sans jamais redoubler, ait passé son Bac S et intégré une école d'ingénieur en ayant passé un concours d'entrée.
Un enfant qui a 6 à l'écrit et 14 à l'oral de rattrapage.
Un Dys est toujours désavantagé à l'écrit et la différence est parfois criante.
Et c'est hélas sur l'écrit que l'école note
C'est donc un enfant que l'école a souhaité faire redoubler depuis la 6ème, orienter hors de la filière générale en 3ème, promis une fois encore au redoublement en 1ère, à qui on a annoncé l'échec au Bac au conseil de classe.
C'est un enfant que les écoles post bac IUT et DUT ont refusé et qui a réussi un concours via QCM d'école d'ingénieur, parce que les QCM jugent le savoir et la réflexion et non l'orthographe.
Je suis fière de son parcours car c'est un enfant qui ne rentrait pas dans les cases et qui pourtant a réussi juste à faire ce que d'autres font.
Un combat dérisoire mais si important parce qu'on ne doit jamais laisser les autres décider de sa propre vie.
Parce que je crois que l'administration n'a pas pris tout à fait la mesure du phénomène Dys et/ou qu'elle n'a pas les moyens d'aider tous les Dys.
Parce que je trouve inadmissible qu'un pays mette ainsi de côté 10% de sa population, sans chercher à investir en eux.
Or on le sait par les études, plus les Dys poursuivent leurs études, plus ils développent la capacité de dépasser leur handicap, et qu'ils ont aussi d'autres potentiels propres à faire valoir.
Nelson Mandela disait que la grandeur d'un pays se mesure à la manière dont elle traite ses plus petits.
Croire en quelqu'un c'est lui ouvrir les ailes.
Il y a 5 ans, j'ai trouvé une piste à travers un commentaire fait suite à un article de FroufrouetCapucine sur la dyslexie qui m'a aidée, je me dis que peut être que la chaine peut se poursuivre sur mon blog.
Est ce qu'un article sur mes trucs pour aider mon fils dans sa scolarité vous aiderait ?